Qu’évoque en nous l’ombre planant de ces grands voiliers ? Que ressentons-nous à la vue de leurs sanglantes curées ? Quel est le lien qui nous unit au-delà du temps à ces grands oiseaux ?
« Un lien qui perdure »
Ce lien, depuis longtemps déjà, l’homme l’entretient avec le vautour. Si aujourd’hui l’image du vautour est le plus souvent associée à la mort qui déploie ses ailes, plane, tourne autour de nous et nous frôle, elle fut aussi symbole de protection et de renaissance. Il est également associé à la notion de maintient de l’équilibre dans la nature.
L’histoire nous raconte que les premiers hominidés Australopithèques, nos lointains ancêtres, guettaient dans le ciel les vols de vautours. Ces vols, synonymes d’une carcasse morte, leur permettaient de se guider et d’atteindre au plus vite la bête morte afin de compléter leur alimentation par sa chair. Par cette consommation de viande, un apport de phosphore aurait permis le développement et l’évolution de notre cerveau faisant de nous aujourd’hui des Homo sapiens.
Plus tard, le symbole du vautour apparaît dans une fresque peinte de Çatal Höyük, ville d’Anatolie la plus ancienne et plus grande d'âge néolithique que l’on connaisse. Ici, comme ultérieurement dans la mythologie indo-européenne, le vautour apparaît tel un oiseau « psychopompe », c'est-à-dire littéralement « guide des âmes », celui qui a la tâche d'escorter les âmes récemment décédées vers l’autre monde.
Les Egyptiens en firent des divinités. Nekhbet, la déesse protectrice de la Haute-Égypte, était représentée sous l’aspect d’un vautour. Ainsi les pharaons portaient l'uræus (le cobra) et la tête de vautour sur leur front afin de symboliser la protection royale. Le vautour est aussi le symbole de la déesse mère Mout, ainsi dans les pictogrammes sacrés des anciens Égyptiens « mère » s’écrit par l’image du vautour. Par ailleurs, il nous faut évoquer le rôle majeur des vautours dans les funérailles célestes où ils sont chargés, par la résorption des cadavres humains, de préserver les éléments naturels de toute pollution. Ainsi, de grandes civilisations, de l’Asie à l’Europe centrale, ont confiés aux vautours le soin de faire disparaître leurs morts.
Encore de nos jours, en Inde chez les Parsis venus de Perse, les vautours accomplissent ce rôle de purificateurs. Pour ne pas souiller les corps ne sont pas inhumés, mais exposés dans les dakhmâ, « tours du silence », de façon à être décharnés par les vautours, participant ainsi à la libération de l’esprit.
Le vautour est également un animal sacré pour les hindous. La légende veut qu’il ait donné sa vie pour essayer de sauver Sita, l'épouse de Rama, roi mythique de l'Inde antique considéré comme le septième avatar du dieu Vishnou.
Enfin, il joua aussi dans de nombreuses cultures, un rôle d'augure en permettant aux prêtres de prédire l'avenir par l’observation de ses évolutions. Ainsi, plus près de nous, la légende de la fondation de Rome où, en consultants les augures, Romulus domina son rival et jumeau, Rémus, par l’observation des vautours dans le ciel. Rémus le premier aperçu six vautours, mais Romulus fini par en observer douze.
Des lectures pour approfondir :
• Jean-Marie Lamblard : « Vautour : mythes et réalités ». Imago, 150 pages, novembre 2001, ISBN 2-911416-60-0 – 18 €
• Jean-Marie Lamblard : « Iran, vautours et tours du silence ». Lettres d’Archipel, 3 décembre 2006.