Loups sur une enluminure du Bestiaire d'Aberdeen.
Source Wikipedia - "Wolf sneak" by Unknown - Aberdeen Bestiary. Licensed under Public Domain via Wikimedia Commons
L’avènement du christianisme et son expansion fit accéder l’être humain au manichéisme chrétien. Soit on était avec Dieu, du côté du salut et de la bonté ; soit on était avec le diable, du côté du mal et de la perdition.
C'est pour mieux t’éliminer, mon ennemi !
Notre peur du loup, encore largement colportée à l’heure actuelle – et malgré les connaissances scientifiques acquises – prend sa source au début du Moyen-Age. Mais c’est entre le XVè et le XVIIè siècle que les campagnes les plus acharnées contre le loup trouvent leur point d’apogée. La détérioration de l’image de cet animal – conduisant à un véritable massacre – fut sous-tendue par un ensemble de causes culturelles, religieuses et sociales. Manipulation, ignorance, crédulité, bêtise… se mêlent et le loup devint la pure incarnation du Mal ; la bête mauvaise, malfaisante et mangeuse d’hommes.
Tolérance, logique, rationalisme et connaissance du monde furent manipulées par l’église en faveur du surnaturel, de l’occulte et de la foi en la Providence :
- Le loup n’habitait pas les forêts mais infestait les coins reculés et inaccessibles des bois ;
- Il détruisait le gibiers et attaquait sans vergogne tous les troupeaux, bergers et voyageurs qui passaient à sa portée ;
- Plus grand ennemi de l’homme, symbole et serviteur du diable, il dévorait les corps et s’appropriait les âmes : « si le loup menace de bondir sur toi, tu saisis une pierre, et alors il s’enfuit. Ta pierre, c’est le Christ. Si tu te réfugies dans le Christ, tu mets en fuite le loup – c’est à dire le Diable – ce dernier ne pourra plus te faire peur ! » (Saint-Ambroise, IVè siècle).
- L’allégorie religieuse utilisa le thème du bon pasteur accompagné de ses brebis ; ces âmes dont le berger avait la charge, suivi du loup, ce démon qui veut les ravir et attend la moindre occasion. Dans un poème allégorique du XVIè siècle, R. Gobin présente « une belle pucelle pastourelle » capable de triompher du loup ; elle a pour nom Sainte-Doctrine.
- A propos du loup, les fables (La Fontaine ou Perrault avec « le Petit chaperon-rouge »), les histoires (la Chèvre de monsieur Seguin), les contes ou textes (Ysengrin, dans le roman de Renard) sont pléthore. Diabolisé ou ridiculisé, le loup est à la fois rusé, malin, bête, source de débauche… Quasiment une manipulation tenant de la campagne anti-loup.
- « Au loup ! Au loup ! », « Gare au loup ! », « le Grand méchant loup ! » étaient alors sur toutes les bouches.
Telle une épidémie, alors les fait-divers impliquant le loup se multiplièrent.
- Ainsi, de juillet 1764 à juin 1767, la France allait-elle vivre dans l’angoisse des exactions produite par la bête du Gévaudan : 99 victime… toutes des femmes qui plus est !
- Dans un petit village de Moselle, un seul loup, porteur de la rage aurait mordu en un seul jour quarante personnes !
- Quand au cas des villes « assiégées » par des meutes de loups, dans l’unique but de se repaitre de leur nourriture de prédilection, la chair humaine, ils furent évidemment innombrables.
- Les auteurs d’histoires « naturelles », quant à eux, confirmèrent la légende populaires en donnant des descriptions fantaisistes de l’animal : « Le loup est un animal absolument terrible. Sa morsure est venimeuse parce qu’il se nourrit volontiers de crapauds. L’herbe ne repousse plus là où il a passé » (Barthélemy – XIIè siècle).
- Les récits de loup-garou, d’hommes-loups… confortèrent encore l’image négative du loup, victime d’une totale méconnaissance, pour ne pas dire désinformation sur sa biologie et d’un acharnement unique – durant ces derniers siècles – à résolument ternir son image.
Les journaux télévisés d’aujourd’hui ne font pas de gros efforts de rigueur scientifique et préfèrent malheureusement continuer le travail de sape et ainsi ternir la réalité de cet animal. Jouant sur des ressorts douteux ils communiquent de façon sensationnelle sur un animal qui fait pourtant – au même titre que les autres espèces – partie intégrante de l’écosystème et qui est simplement l’un des maillons de son bon équilibre.