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Une destruction systématique

Le loup de retour en France

Une destruction systématique

Ecrit par Aye-Aye environ... dans Bio-Scène le 25 oct 2015

L'un des derniers loup abattus à Vasselin, en Isère, au début du XXè siècle.
(Source Wikipedia - « Loup à Vasselin » par Inconnu — http://www.vasselin.eu/vasselin.htm. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons)


L’Angleterre est la première Nation Occidentale à engager une campagne d’éradication totale de l’animal. Chasse à courre, battues, impôts payables en tête de loup… Tous les moyens sont bons pour motiver les troupes et ainsi éliminer cette espèce. Le dernier loup disparaît d’Angleterre dès le début du XVIè siècle.

En Irlande, c’est en 1710 que des chasses s’organisent et s’en prennent aux louveteaux nouveau-nés. Les loup, persécutés, trouvent refuge dans les forêts : qu’à cela ne tienne ! Les forêts sont à leur tour et par la même occasion détruites, en même temps que le loup. Puis 33 années plus tard, en 1743, c’est au tour de l’Ecosse de voir les loups disparaître du paysage – grâce à l’emploi de moyens comparables, pour parvenir au même résultat de destruction d’une espèce considérée comme indésirable.

Ailleurs, il s’agit d’une lutte certes moins acharnée, mais qui fera tout de même disparaître l’animal de nombreuses contrées, soit par destruction directe, soit par la raréfaction de ses proies ou la régression de son habitat. Le dernier loup est tué en 1772 au Danemark et avant la fin du XIXè siècle en Suisse. En Allemagne, il faut attendre 1889 pour voir le loup éliminé.

Pour ce qui concerne la France, c’est dès l’an 813 que la lutte commence de façon systématique. Charlemagne fonde la Compagnie de Louveterie, spécialisée dans la chasse au loup. La lutte est poussée à un niveau extrême ; dès lors que l’un des membres de cette compagnie tue un loup, il est en droit d’exiger un paiement de la part de tous les habitants à deux lieues à la ronde. Cette méthode se révèle dramatiquement efficace et pousse ainsi de nombreuses personnes à chasser la bête. Mais à chaque stratégie son effet paradoxal permettant en l’occurrence au loup de bénéficier d’un relatif répit : le louvetier aura en effet une propension à opérer son commerce dans les régions très peuplées, car le rentabilité sera naturellement supérieure. L’économie de marché avait déjà ses racines dans l’exploitation de la nature !…

Résultat, le loup a pu ainsi continuer à vivre plus ou moins tranquille dans les régions les moins densément peuplées, alors encore nombreuses à cette époque. La Compagnie de Louveterie sera officiellement supprimée en 1789, pendant la Révolution française, mais reprendra du service quelques années plus tard, en 1814, à l’initiative de Napoléon.

L’un des plus célèbres chasseurs de loup fut sans doute le Marquis de Hallay, qui tua pas moins de 1200 loups en 50 ans. Arrêté durant la Terreur, il fut pourtant libéré à la demande expresse de la population, craignant l’attaque de loup et se sentant privée de défenseur.

Durant l’année 1884, 1035 loups seront officiellement abattus et méticuleusement répertoriés dans les tableaux de chasse. Puis les chiffres baisseront progressivement jusqu’aux derniers loups français tués en 1927 dans les département de la Haute-Vienne et des Deux-Sèvres, ainsi qu’une louve nourrissant ses petits dans la Charente, tuée le 28 mai 1932. Ensuite, seules quelques anecdotes largement amplifiées feront ressurgir épisodiquement notre « peur du loup ». Il ne s’agissait très probablement que d’individus issus de captivité et probablement échappés d’un enclos privé.

Dans les pays du sud de l’Europe, la situation diffère quelque peu de la politique de destruction engagée en Europe Centrale. La lutte s’opère également, mais elle n’est ni aussi bien organisée, ni aussi facile à mener. Ceci s’explique facilement par la configuration géographique des territoires concernés : les massifs montagneux où se retranchent les loups pour fuir la persécution dont ils sont victimes sont très nombreux et constituent des zones refuges importantes.

De plus, l’Italie conserve également une sorte d’ambivalence entre l’ère du temps qui présuppose la destruction totale et l’héritage d’une culture millénaire qui laisse encore des traces dans la perception du loup dans la tradition ancienne. On peut donc retrouver dans cette ambiguïté une explication satisfaisante dans la lutte très nettement moins efficace que partout ailleurs dans le reste de l’Europe.

L’histoire de la destruction du loup va se répéter également en Amérique du Nord, là où les colons importent les mœurs et les méthodes du vieux continent. Ce qui amènera à la quasi disparition des populations de loups américains, pourtant considérables. A cela vient encore s’ajouter le fait que les pionniers américains ont été obligés d’acquérir un sens très fort de la cohésion pour conquérir un territoire considéré comme véritablement hostile. La lutte contre le loup sera alors l’affaire de tous, et non pas simplement une lutte de protection individuelle.

Autre contexte, autre mystification : le loup sera également assimilé à l’indien dans l’obstacle qu’il représente pour arriver à prendre possession de ces terres nouvelles et parvenir à en exploiter l’énorme potentiel. L’attitude positive de l’indien envers la nature en général et vis-à-vis de son « Frère-loup » en particulier viendra renforcer cette vision biaisée et poussera à la destruction de ces deux « espèces sauvages » devenues ensembles des ennemis héréditaires.

La lutte était donc sans merci et se moquait totalement à la fois du rôle écologique de l’animal d’une part et de l’humanité des indiens d’autre part.

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